Ali Farzat, ou le crime de dessiner




Ali Farzat, ou le crime de dessiner

L'agression du célèbre caricaturiste, qui fait suite à l'assassinat d'un chanteur contestataire, montre, si besoin était, que la violence est le seul mode de communication du pouvoir syrien.


Le 25 août, l'un des artistes les plus en vue de Syrie, le dessinateur de presse mondialement connu Ali Farzat, a été violemment agressé en plein jour. Au vu de ce genre d'incidents, on se demande si le gouvernement du Président Bachar Assad a conscience de l'impact de ses actes. Farzat a fait savoir ces dernières semaines qu'il n'était pas d'accord avec le régime, mais il est loin d'être considéré comme un ennemi traditionnel des autorités de Damas. Considéré des années durant comme l'un des plus grands dessinateurs de presse du monde arabe, Farzat a encore renforcé sa stature il y a dix ans, juste après l'accession au pouvoir d'Assad. Il était le rédacteur en chef de Al-Domari (L'Allumeur de réverbères), un hebdomadaire satirique qui a constitué l'un des premiers signes d'espoir de voir l'arrivée du nouveau président ouvrir une nouvelle ère de changements.

Mais les derniers dessins de Farzat - dont l'un représentant le président faisant ses valises aux côtés de Muammar Kadhafi - n'étaient visiblement pas du tout du goût des autorités. Le bref enlèvement du journaliste, puis son passage à tabac par des inconnus, dont il est sorti les mains brisées, étaient le châtiment réservé à quiconque ose exprimer ses opinions. En juillet, Ibrahim Qashoush, qualifié de "chanteur révolutionnaire" en raison de ses chansons appelant au renversement d'Assad, avait subi un sort encore pire. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, Qashoush a été retrouvé mort, la gorge tranchée [et les cordes vocales arrachées]. C'était un message sans équivoque, adressé à ceux qui s'opposent au régime.

La répression à l'encontre de grands intellectuels et artistes montre à quel point les autorités sont déterminées à étouffer coûte que coûte les points de vue dissidents.  A l'évidence, elles font fi de ce que pensent tant les Syriens que la communauté internationale.

L'attaque contre Farzat a eu lieu après que Damas s'était efforcée de convaincre l'opinion internationale que des "bandes armées" terrorisaient la population, ce qui nécessitait une intervention énergique de l'armée. Mais les voyous qui ont roué de coups le dessinateur ont agi dans l'un des quartiers les plus quadrillés et surveillés de la capitale. Pour que l'intense campagne de propagande porte ses fruits et permette au régime de retrouver un peu de crédibilité, il faudrait que les agresseurs de Farzat soient présentés, jugés et sanctionnés, mais cela paraît extrêmement peu probable.

Le pouvoir syrien devrait également comprendre que ce nouvel incident ne laisse guère d'espoir à quiconque de le voir traiter ses opposants autrement que par la violence.