Rions des salafistes



Rions des salafistes


La peur que suscite chez certains la montée des extrémistes religieux s’est traduite par un nombre incalculable de blagues.

Sabri Hassanein 


A peine connus les bons résultats des Frères musulmans et des salafistes [islamistes radicaux] lors de la première étape des élections législatives [début décembre], les Egyptiens ont inondé de blagues les réseaux sociaux pour exprimer leurs craintes de voir des islamistes prendre les rênes du pouvoir. A travers leurs sarcasmes, ils se demandent comment ils traiteraient alors les arts, les médias et le sport.

Un des commentateurs a ainsi écrit sur Facebook qu’il faudrait remplacer les manchettes des journaux. Au lieu de “L’Egypte dans le scrutin”, il faudrait écrire “L’Egypte dans le pétrin”, vu les temps difficiles qui attendent les citoyens. D’autres appellent leurs compatriotes à “se dépêcher de prendre une photo des pyramides et du sphinx tant qu’il en est encore temps”, réagissant à une proposition d’un dirigeant salafiste [de voiler le sphinx afin que les Egyptiens et les touristes ne le prennent pas pour un objet d’adoration]. Un autre observateur suggère que toute personne qui grille un feu rouge devra à présent jeûner trois jours.

Autre blague : un salafiste prend un taxi. Il demande au chauffeur d’éteindre la radio : “Y avait-il la radio à l’époque du Prophète, que le salut et la prière de Dieu soient sur lui ?” Le chauffeur éteint la radio, et lui dit : “Bon, à l’époque du Prophète, les taxis n’existaient pas. Maintenant, descends et attends le passage d’une chamelle !

Tout n’est pas dans le Coran

Un salafiste arrive à dos de chamelle à l’université. Devant l’étonnement de ses camarades, il leur explique que c’est le moyen de transport mentionné dans le Coran. Puis arrive le professeur, le salafiste lui demande :“Pourquoi viens-tu à l’université alors qu’elle n’est pas mentionnée dans le Coran ?” Un malade atteint d’ulcère va voir un médecin et lui dit : “Chaque fois que je vois un salafiste à la télévision, je m’énerve.” Le médecin lui répond : “Prends deux libéraux au matin et un Baradei [candidat à l’élection présidentielle, favori des libéraux] à chaque repas. Tu dormiras mieux.” Un copte s’apprêtant à quitter le pays explique : “Depuis les élections, les Egyptiens se divisent en deux catégories, le groupe Takfir wa hijra et le groupe du Tafkir fi al-hijra.” [Le premier est un groupe d’inspiration salafiste radicale, dont le nom veut dire : Excommunier et se mettre à l’écart des mécréants. Le second, anagramme du premier : Penser à l’émigration.]

 D’autres chroniqueurs invitent à se dépêcher de préparer sa valise : “Les libéraux et les coptes s’envoleront pour l’Amérique, le Canada et l’Europe. Les religieux s’envoleront vers leurs tuteurs des pays du Golfe.”

“Mon père sur le minaret”

Certains ont imaginé qu’un futur gouvernement islamiste décide qu’il faut mettre à jour les titres de tous les films égyptiens. Un homme dans notre maison, film des années 1950 avec Omar Sharif, s’appellera désormais Un homme vertueux dans notre maison ; Mon père sur l’arbre, film à grand succès des années 1970 avec le chanteur Abdelhalim Hafez, sera rebaptisé Mon père sur le minaret ; Les Larmes d’une garce deviendra Les Larmes d’une laïque ; Short, flanelle et casquette se transformera en Short, abaya et voile ; L’Expérience danoise, avec le comique Adel Imam, sera retitré L’Expérience afghane ; Nous avons reçu le communiqué suivant deviendra Nous avons reçu le prêche suivant ; et L’Immeuble Yacoubian [le roman de Alaa El-Aswani] sera retitré L’Immeuble de Hussein Yaacoub [nom d’un leader salafiste].

Les émissions de la télévision n’échappent pas à cette dérision. L’émission de débat Dix heures du soir s’appellera Dix heures si Dieu le veut, et le talk–show de la présentatrice Hala Serhane Les gens book sera rebaptisé Les imams book. Quant au sport, un internaute imagine que les Frères décident de fonder une équipe de foot : “Le capitaine sera un savant ès religions, le manager de l’équipe, l’émir de l’équipe et les joueurs devront respecter les formes sur le terrain. Il faudra crier, même dans le feu de l’action : ‘Un but, mon frère !’ Et pour l’hymne des supporters il leur faudra chanter : ‘A Jérusalem, nous irons, des martyrs par millions’.”